Nouvelles orientations dans le traitement de la maladie de Parkinson

Ralentir ou modifier la progression de la maladie

Les médicaments qui sont actuellement utilisés dans la maladie de Parkinson traitent les symptômes, mais n’arrêtent pas la progression de la maladie. Un des principaux investissements dans la recherche sur la maladie de Parkinson consiste à chercher un médicament qui permettra de ralentir ou de modifier la progression de la maladie.

PRAzilect

La rasagiline (PRAzilect) a récemment été étudiée pour déterminer si elle pouvait ralentir le taux de progression de la maladie de Parkinson. Des chercheurs ont mené une étude à double insu et à début différé, dans laquelle 1176 sujets qui ne prenaient pas de médicaments contre la maladie de Parkinson ont été répartis au hasard pour recevoir soit la rasagiline (dose de 1 mg par jour ou 2 mg par jour) pendant 72 semaines soit un placebo pendant 36 semaines suivi par la rasagiline (dose de 1 mg par jour ou 2 mg par jour) pendant 36 semaines (début de traitement actif différé).

L’étude a donné des résultats inégaux : on a constaté une moindre aggravation des symptômes de la maladie de Parkinson chez les sujets qui avaient été traités dès le début par la rasagiline à la dose de 1 mg par jour que chez les sujets du groupe placebo. Cependant, les sujets qui avaient été traités dès le début de l’étude à la dose de 2 mg par jour n’ont pas obtenu des résultats similaires.

Les chercheurs en ont conclu que le traitement à la dose de 1 mg par jour de rasagiline dès le début de l’étude a apporté des effets bénéfiques permettant de penser à un possible effet modificateur sur la maladie, alors que le traitement dès le début de l’étude à la dose de 2 mg par jour n’a pas eu le même effet. Comme les deux doses ont été associées à des résultats différents, ces résultats doivent être interprétés avec prudence.

Les auteurs de l’étude ont indiqué qu’il sera important de déterminer si ces résultats pourront être confirmés et si les effets bénéfiques constatés après 18 mois de traitement seront durables et entraîneront une réduction de l’invalidité cumulative dans des aspects significatifs sur le plan clinique comme la difficulté à marcher, la perte d’équilibre et la détérioration de la fonction cognitive.

A Double-Blind, Delayed-Start Trial of Rasagiline in Parkinson’s Disease
New England Journal of Medicine, 361:13 ; 24 September 24 2009

Stimulation dopaminergique continue

Le médicament oral normalement administré pour maîtriser les fluctuations motrices chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson est la lévodopa, un médicament à courte durée d’action. Chez certaines personnes cependant, les effets positifs de la lévodopa disparaissent avant l’heure prévue de la dose suivante. Les traitements par perfusion visent à offrir une stimulation plus continue des récepteurs du cerveau à la dopamine quand les médicaments oraux ne font plus effet. Ce type de traitement est connu sous le nom de stimulation dopaminergique continue.

Traitements par perfusion/DUODOPATM

Les traitements par perfusion ont été étudiés au Royaume-Uni et en Europe sous la forme de pompes d’injection d’apomorphine ou de lisuride dans le tissu sous-cutané, où le médicament est ensuite absorbé par la circulation sanguine.

« Il existe désormais une alternative par perfusion qui utilise le meilleur médicament oral disponible, la lévodopa, mais en l’injectant dans le duodénum de sorte qu’il soit administré de façon continue dans l’intestin », explique le Dr Anthony Lang, directeur du Centre des troubles du mouvement Morton et Gloria Shulman de l’Hôpital Toronto Western.

Grâce à cette technologie, Duodopa, un gel contenant un concentré de lévodopa et de carbidopa, est pompé par une petite sonde qui passe par l’estomac pour atteindre le duodénum.

Le Dr Mark Guttman, directeur du Centre des troubles du mouvement de Markham, en Ontario, soutient que la possibilité de formuler la dose exacte, à certains moments de la journée, de façon beaucoup plus précise qu’avec les préparations orales constitue l’un des avantages de cette façon d’administrer des médicaments. Les doses peuvent être réglées par gradation de 1 mg plutôt que de 50 mg.

Le traitement par Duodopa présente cependant quelques inconvénients : il exige une chirurgie qui peut entraîner des complications. Par exemple, l’équipement (comme la pompe et la sonde) peut poser des problèmes techniques; la gestion et l’entretien de l’équipement et des médicaments demandent un suivi rigoureux et le soutien d’une infirmière; certaines personnes peuvent trouver ennuyeux de transporter une pompe toute la journée.

« Il s’agit d’une façon compliquée d’administrer un médicament. La plupart des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ne sont donc pas candidates étant donné qu’elles peuvent très bien prendre leurs médicaments par voie orale trois à cinq fois par jour, constate le Dr Lang. Ce traitement convient mieux aux personnes qui prennent de la lévodopa à de nombreuses reprises durant la journée et qui subissent de mauvaises, et souvent imprévisibles, fluctuations motrices. »

Le Dr Guttman précise qu’il pourrait s’agir d’une option pour les personnes qui envisagent de subir une stimulation cérébrale profonde, mais qui ne s’y qualifient pas ou qui ne veulent pas prendre ce risque. Un petit nombre de personnes pourraient donc y trouver leur compte.

Santé Canada a approuvé Duodopa en vertu de la Politique sur l’Avis de conformité avec conditions.

Duodopa n’est pas encore disponible au Canada et n’est pas financé par les gouvernements provinciaux. La principale pierre d’achoppement pour toutes les technologies de perfusion est sans aucun doute le coût. On prévoit, par exemple, que le traitement par Duodopa entraînera des coûts annuels de 60 000 $ à 70 000 $.

Il y a deux côtés à la médaille.

Le Dr Lang dit : « Le défi, c’est que les études qui ont été réalisées sur ce type de traitement sont peu nombreuses. À cause de la nature complexe du traitement et de la façon dont il est administré, il est très difficile de procéder aux études aléatoires en double insu et contrôlées normalement effectuées sur les traitements médicaux ».

« Lorsque ces médicaments – apomorphine, lisuride et Duodopa – sont administrés avec contrôle, prudence et expérience, comme c’est le cas en Europe par exemple, on remarque d’énormes progrès chez les patients. Je crois donc que ces traitements sont très valables et devraient être offerts aux patients au Canada et aux États-Unis. Je tiens à préciser que je n’en prône pas l’utilisation élargie et sans contrôle, mais plutôt une disponibilité restreinte pour des patients soigneusement sélectionnés dans un petit nombre de centres des troubles du mouvement d’expérience. »

Le Dr Guttman est de ceux qui préfèrent une approche plus mesurée à l’introduction de Duodopa au Canada. Il croit nécessaire de mener des « études plus officielles, particulièrement au Canada, afin que les chercheurs et les cliniciens puissent mieux connaître ce traitement ». Il conclut : « Aucune personne atteinte de la maladie de Parkinson n’a encore reçu de traitement entraînant des coûts de 60 000 $ par année pour le reste de sa vie. Par conséquent, les autorités provinciales de la santé veulent s’assurer qu’il est réellement valable et qu’il existe un modèle économique qui prouve que l’argent sera utilisé à bon escient. »

Améliorer l’effet de la dopamine

Un nouvel inhibiteur de la monoamine-oxydase B

Les inhibiteurs de la monoamine-oxydase B (les composés MAO-B) rehaussent les effets de la dopamine en évitant sa décomposition. Des essais cliniques internationaux de phase III sont en cours sur un nouveau médicament auxiliaire destiné à compléter la médication principale à la lévodopa ou aux agonistes dopaminergiques afin d’en déterminer l’efficacité et l’innocuité.

En regardant vers l’avenir…

Jonathan Brotchie, chercheur chevronné au Toronto Western Research Institute, de l’University Health Network, attire l’attention sur trois médicaments prometteurs qui sont actuellement à l’étude et qui pourraient transformer le traitement de la maladie de Parkinson :

Le fipamézole

Le fipamézole est un médicament qui, lorsqu’il est pris avec un dopaminergique, semble produire deux effets : une réduction des problèmes de dyskinésie et un accroissement de la durée de l’action de la dopamine. « Je pense que, d’ici relativement peu de temps, cet agent pourrait modifier notre façon de traiter la maladie de Parkinson », affirme M. Brotchie.

Le BIIB014

Le médicament expérimental BIIB014 est une des premières approches qui n’est pas associée à la dopamine dans le traitement de la maladie de Parkinson. « Il inverse un déséquilibre chimique différent dans le cerveau par rapport à nos traitements actuels, constate M. Brotchie. Comme ce n’est pas un dopaminergique, nous nous attendons à ce qu’il n’ait pas les mêmes effets secondaires que ceux qui sont associés aux traitements dopaminergiques actuels. »

Des études préliminaires ont montré que le BIIB014 est capable de faire deux choses : premièrement, soulager les symptômes de la maladie de Parkinson quand il est administré en monothérapie. « C’est sans doute la première fois que nous disposons d’un médicament ne remplaçant pas la dopamine qui soit capable de faire cela », dit M. Brotchie. Deuxièmement, il semble que si on l’ajoute aux traitements existants, le BIIB014 peut améliorer leur action en réduisant le temps d’inactivité entre deux comprimés. « Cela signifie que l’on devra prendre moins de comprimés chaque jour ou que chaque comprimé agira plus longtemps. »

Le PYM50028 / Cogane

Le PYM50028 est également connu sous le nom de Cogane. « Cogane est capable de restaurer le système dopaminergique dans le cerveau, en plus d’apporter des bienfaits sur le plan des symptômes, dit M. Brotchie. Il pourrait avoir le potentiel de modifier le cours de la maladie et peut-être même d’inverser sa progression. »

Au cours des dix dernières années, les chercheurs ont exploré des façons d’accroître le taux de GDNF (facteur neurotrophique dérivé des cellules gliales) dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie de Parkinson afin d’aider les cellules cérébrales à survivre ou même à réapparaître. Le GDNF est une protéine produite dans le cerveau qui aide les cellules cérébrales à croître quand le cerveau se développe ou se remet d’une lésion. Des approches précédentes consistaient à injecter du GDNF dans le cerveau par chirurgie ou thérapie génique, mais Cogane donne la possibilité d’apporter du GDNF au cerveau par la prise d’un comprimé. Le principe d’action veut que, une fois le comprimé avalé, le médicament se retrouve dans le cerveau et y déclenche sa capacité à produire du GDNF.

Tout en indiquant que les données sur l’animal et les données préliminaires sur l’humain en ce qui concerne l’innocuité et la dose semblent prometteuses, M. Brotchie ajoute : « Je pense que Cogane est notre meilleur espoir aujourd’hui, un médicament qui pourrait véritablement inverser le cours de la maladie. Et si on pouvait en inverser le cours suffisamment tôt, on pourrait modifier l’impact que cette maladie peut avoir sur la vie des personnes atteintes. Par conséquent, quand une personne est atteinte de la maladie de Parkinson, on peut imaginer qu’en lui faisant prendre suffisamment tôt le médicament – à condition que celui-ci se montre à la hauteur de nos attentes – cet agent sera peut-être en mesure d’inverser les symptômes et même d’inverser le cours de la maladie. »

Dr. Anthony Lang
Dr. Anthony Lang
Dr. Jonathan Brotchie
Dr. Jonathan Brotchie
Dr. Mark Guttman
Dr. Mark Guttman