Nous avons demandé à trois chercheurs-cliniciens de donner un aperçu de quelques défis soulevés par le passage de nouvelles thérapies du laboratoire à la personne atteinte de la maladie de Parkinson.
Le processus de mise au point d’un médicament prend du temps. « Traverser toutes les étapes des études pharmacologiques de recherche fondamentale et de recherche auprès de différents animaux prend du temps, affirme le Dr Michel Panisset, neurologue et professeur agrégé de clinique au Département de médecine de l’Université de Montréal. Nous devons nous assurer du mécanisme d’action du médicament et vérifier qu’il ne tue aucun être vivant avant de le tester sur des volontaires en bonne santé. Un grand nombre de médicaments composés échouent à l’un de ces tests avant d’être offerts à des êtres humains. » Sans compter les essais cliniques effectués d’abord sur des volontaires en santé, puis sur des personnes atteintes de la maladie de Parkinson pour assurer que les traitements sont tolérables et efficaces. « Tout raccourci risque de mettre l’innocuité des médicaments en péril », soutient le Dr Panisset.
Les animaux ne sont pas atteints de la maladie de Parkinson. « Nous devons leur donner des médicaments et tuer des cellules de leur cerveau manuellement pour provoquer la maladie, mais ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité, nous confie le Dr Mandar Jog, directeur du Programme des troubles du mouvement au Centre des sciences de la santé de London. La complexité du système animal est très différente de celle du cerveau humain. Les connaissances que nous obtenons en étudiant les produits chimiques ou les traitements sur les animaux ne sont pas facilement transférables chez les humains. Il se peut que les expériences qui fonctionnent auprès des animaux ne connaissent pas le même succès chez les humains. »
Le Dr Jog ajoute :
Le cerveau est très compliqué. « Le cerveau comprend plus d’un billion de connexions. Il n’est pas comme d’autres organes – les reins par exemple – que l’on peut enlever et remplacer ».
En général le travail de laboratoire est effectué par des chercheurs qui en savent peu sur la médecine clinique, car ils ne voient pas les patients. « Les chercheurs ont besoin de la participation des cliniciens pour transférer chez les humains les résultats obtenus en laboratoire, mais les cliniciens s’investissent souvent à une étape tardive du processus et sont incapables d’interpréter les données scientifiques ou les tiennent pour acquises. Nous avons besoin de plus de chercheurs-cliniciens capables de comprendre le langage des laboratoires et de le traduire. Les chercheurs et les cliniciens devraient tout au moins collaborer étroitement. »
Il y a également la question de la définition du travail de laboratoire. « Si votre définition du travail de laboratoire consiste à poser tout simplement des questions de recherche, vous pouvez alors poser des questions pertinentes dans la pratique, comme nous venons de le faire dans notre recherche sur la déglutition et la gomme à mâcher. Nous ne l’avons pas testée sur des animaux et n’avons pas tenté de trouver quel est le mécanisme de base du contrôle neurosensoriel de la déglutition chez les animaux pour tester ensuite l’hypothèse en laboratoire. Nous avons simplement relevé que les gens mâchent de la gomme parce qu’ils croient que c’est bon pour les dents, et avons demandé à des personnes atteintes de la maladie de Parkinson de mâcher de la gomme. Nous avons découvert que les personnes pouvaient mieux avaler grâce à la gomme. Nous ne comprenons pas encore le mécanisme, mais il s’agit également d’une forme de recherche qui fait le pont entre le laboratoire et le patient. »
La population et les chercheurs veulent obtenir des résultats rapides. « Il y a un défi à s’appliquer dans les travaux de recherche et à être aussi sûr qu’il est possible de l’être avant de sauter aux conclusions et de passer des tests sur les rats aux essais cliniques. »
Les essais cliniques ne sont pas neutres. Quelle que soit la volonté de choisir les patients au hasard, il reste toujours un parti pris. Aussi, les personnes qui se portent volontaires à un essai sont motivées. La chimie de leur cerveau diffère peut-être de celle du cerveau d’une personne qui n’est pas motivée à participer. L’effet sur la maladie peut donc être différent. De plus, il arrive souvent que de nouveaux médicaments donnent de bons résultats lors des essais cliniques, même chez les humains, mais ces derniers sont souvent moins impressionnants lorsque les médicaments sont offerts sur le marché, dans une population où les cas de maladie sont beaucoup plus variés. »
L’un des plus grands défis du passage du laboratoire au chevet du patient survient quand des patients réclament des interventions [traitements] qui n’ont pas du tout été testées. « La poursuite de ces avenues détourne d’importantes sommes de financement qui pourraient être consacrées à de la recherche fondée sur des questions scientifiques sérieuses et raisonnées. La science guidée par la passion est sans doute le plus grand obstacle à la réussite. »
La Dre Oksana Suchowersky, professeure et directrice du Programme des troubles du mouvement au Département des neurosciences cliniques de l’Université de Calgary ajoute son point de vue :
La maladie de Parkinson est une affection progressive très lente, et les symptômes sont très variables d’une personne à une autre. « Voilà pourquoi nous devons effectuer des essais cliniques sur un grand nombre de patients et la raison pour laquelle les essais doivent se dérouler sur plusieurs années, particulièrement en neuroprotection. Nous devons également suivre la méthode scientifique, avec des essais contrôlés, afin de nous assurer que le médicament ou le composé est efficace et qu’il n’est pas nocif. »
« Nous ne connaissons pas encore ce qui cause la maladie de Parkinson. Par conséquent, il est très difficile, voire impossible, de trouver un remède. »