Prendre soin d’un être aimé à mesure que la maladie progresse

Frank and Carmel Boosamra
Frank et Carmel Boosamra

Première personne – Carmel Boosamra

Carmel Boosamra pensait avoir lu tout ce dont elle avait besoin pour aider son mari Frank dans sa lutte contre la maladie de Parkinson, mais ses connaissances étaient incomplètes. « J’avais à peine effleuré le sujet », raconte-t-elle en se souvenant de certains problèmes auxquels elle a été confrontée.

Incidences économiques. Frank a dû vendre son commerce. Il avait été l’un des premiers à vendre et à installer des pellicules pare-soleil pour fenêtres dans la région d’Ottawa. « La perte de sa source de revenus a été dramatique pour nous deux », confie Carmel Boosamra.

Perte du permis de conduire. L’annonce du médecin au ministère des Transports à l’effet que Frank ne devait plus conduire à cause de problèmes de rigidité et d’un déclin cognitif « a eu un effet psychologique plus fort que tout sur lui. Quand on lui demandait ce qu’il trouvait le plus difficile à propos de la maladie de Parkinson, il répondait que c’était la perte de son permis de conduire ».

Problèmes de santé coexistants. Frank a subi un pontage coronarien 10 ans avant l’apparition de la maladie de Parkinson, en 1992, à l’âge de 52 ans. Il souffrait également d’un diabète de type 1 qui avait entraîné, en 1999, l’amputation de son pied. « L’anesthésie a causé des ravages ».

Gestion des médicaments à l’hôpital. « Il était très difficile pour Frank de prendre ses médicaments à temps lorsqu’il était hospitalisé. » Carmel se souvient de son ahurissement lorsqu’un résident lui a demandé depuis combien de temps son mari souffrait d’épisodes psychotiques. L’incident a avivé sa détermination à faire du travail de sensibilisation et à défendre les droits des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. « À chaque hospitalisation, il fallait se battre sans arrêt avec le personnel médical pour que Frank prenne ses médicaments à temps. »

Gestion des médicaments à la maison. « Les médicaments pour combattre les symptômes de la maladie de Parkinson ne faisant plus effet, le neurologue a fait l’essai de différents médicaments pour déterminer lesquels fonctionnaient le mieux, mais Frank était victime d’hallucinations importantes qui me faisaient extrêmement peur. Le neurologue m’a été d’une précieuse aide, parce qu’il prenait le temps de m’expliquer ce qui ce passait. À un certain moment, Frank prenait trois types différents de médicaments, mais il a fini par ne plus en avoir qu’un. »

Problèmes de sécurité. « Frank restait seul à la maison pendant que j’étais au travail. Il était sans arrêt victime de chutes et d’hallucinations. Je ne savais jamais à quoi m’attendre lorsque je rentrais du travail. Un jour, je me suis trouvée devant un vaisselier vide, toute la vaisselle était emballée. Frank cuisinait et un plat brûlait dans le four, mais il ne s’en rendait pas compte. Il était dans sa bulle et imaginait que quelqu’un allait venir pour tout prendre. C’est à ce moment que j’ai décidé qu’il fallait trouver une solution. Heureusement, nous recevions des soins à domicile depuis trois ans et Frank a pu entrer dans un établissement de santé aussitôt que j’en ai fait la demande. »

Procuration. « Nous avions tous les deux discuté de la procuration. Nous l’avions planifiée alors que Frank avait encore la capacité de prendre des décisions, ce qui a facilité le processus d’un point de vue émotionnel. Nous avons établi une procuration pour les finances et la propriété et une autre pour les décisions personnelles et touchant les soins de santé. Je recommande fortement ces voies juridiques. Certaines personnes peuvent croire qu’elles abandonnent ainsi les droits que la loi leur reconnaît, mais ce n’est pas nécessairement le cas puisque la procuration ne sert pas tout le temps mais peut être utilisée au besoin. »

Planification des soins futurs. « Frank a fait preuve de réalisme et de sens pratique dès le début lorsqu’il était question de ses besoins de soins futurs en matière. Nous avions visité des établissements de santé et étions parvenus à une décision commune. Lorsque le moment est venu de quitter la maison, nous n’avons pas tout de suite obtenu son premier choix, mais c’est venu plus tard. »

Composer avec les symptômes avancés de la maladie de Parkinson. « Le jour le plus triste a été celui où le neurologue m’a dit que Frank était atteint de la démence à corps de Lewy, une maladie qui survient parfois dans les stades avancés de la maladie de Parkinson. C’était à l’automne 2007. À partir de ce moment, Frank a perdu toutes ses forces. Je voyais qu’il voulait me dire quelque chose, mais il n’arrivait pas à dire les mots; il n’avait pas la capacité cognitive lui permettant de former les mots. Ça a été difficile, à la fois comme partenaire et comme fournisseur de soins, de constater qu’il avait perdu la capacité à communiquer par les mots. Je m’y suis habituée après un certain temps. Il utilisait les yeux pour communiquer avec moi. Je savais ce qu’il voulait dire juste par l’expression de ses yeux. »

Manque d’information. « J’aurais aimé en savoir plus sur la démence à corps de Lewy. La maladie était présente longtemps avant d’être diagnostiquée, mais je n’avais aucune information pour m’aider à comprendre. Aucune ressource n’abordait les stades avancés de la maladie de Parkinson, par exemple pour indiquer quoi faire lorsqu’une personne atteinte commence à éprouver des problèmes de déglutition. J’étais témoin de l’apparition graduelle de ces symptômes chez Frank, mais je crois que j’aurais mieux accepté la situation si j’en avais su un peu plus sur le sujet. »

Le plus difficile. « La perte de la personne. Durant la dernière année, j’allais voir Frank tous les jours et je lui tenais la main. Notre relation ne consistait plus qu’à se tenir les mains. C’était vraiment triste. C’est l’instinct qui nous fait persévérer lorsque nous faisons face à de telles circonstances, mais je ne sais pas comment j’ai pu m’en sortir. » Frank Boosamra est décédé en juillet 2008.

Lorsqu’on lui demande s’il y a quelque chose qu’elle ferait différemment aujourd’hui, Carmel répond : « J’ai fait tout ce qu’il était humainement possible de faire, j’ai été un fournisseur de soins qui a défendu les intérêts de Frank, j’ai veillé à ce que nous obtenions des soins à domicile alors qu’on voulait réduire le nombre d’heures et je suis intervenue auprès des médecins et du personnel infirmier de l’hôpital pour assurer qu’il prenait ses médicaments à temps. Je conseille à tous ceux et celles qui prennent soin d’une personne qui en est aux stades avancés de la maladie de Parkinson de continuer à défendre ses intérêts et de vivre chaque moment passé en sa compagnie comme un moment privilégié ».

Actuellement, Carmel siège au conseil d’administration de la Société Parkinson d’Ottawa et est membre du Comité de défense des intérêts de l’Ontario. « Parce que j’ai été témoin du manque de compréhension et de connaissances à l’égard de la maladie de Parkinson dans la population et chez les responsables des politiques gouvernementales, je sens, pour ma part, que je rends un service public en m’impliquant et en agissant », conclut-elle.