Progrès dans la recherche sur la maladie de Parkinson : Poser un regard neuf sur une maladie complexe

Par Amanda Strong, Auteure médicale, Montréal (Québec)

Cet article doit paraître dans le numéro de juin de Dimensions, le magazine en ligne du Conseil national de recherches du Canada.

Les progrès récents dans notre compréhension de la maladie de Parkinson remettent en question des idées établies et pourraient même ouvrir la voie à un remède.

Il n’y a pas si longtemps, la maladie de Parkinson était encore un mystère. Les scientifiques savaient qu’il s’agissait d’une maladie neurodégénérative associée à un manque de dopamine (un neurotransmetteur), mais personne ne comprenait vraiment ce qui la provoquait ou la façon dont elle progressait.

Au cours des dernières années, de nombreux indices ont été découverts, permettant de changer la façon dont nous comprenons la maladie de Parkinson – de la cause principale aux premiers signes d’avertissement en passant par la façon dont la maladie progresse dans le cerveau. Bien que le mystère de la maladie de Parkinson soit loin d’être élucidé, cette remise en cause ouvre de nouvelles voies pour la prévention et le traitement.

Les mutations génétiques fournissent des indices encourageants

Notre compréhension de la maladie a connu un tournant important en 1997, lorsque des chercheurs ont découvert un gène anormal apparemment responsable de l’apparition précoce de la maladie de Parkinson. Cette découverte a donné une toute nouvelle direction à la recherche sur la maladie de Parkinson.

« Il y a 15 ans, l’on disait qu’il n’y avait aucun lien entre la génétique et la maladie de Parkinson », se souvient Dr Edward Fon, président du Comité consultatif scientifique de la Société Parkinson Canada et directeur du programme sur la maladie de Parkinson de l’Université McGill. « C’est donc un énorme changement de paradigme. »

Depuis, des chercheurs ont découvert des mutations dans sept gènes qui sont directement liées au développement de la maladie de Parkinson. Une variabilité génétique dans au moins cinq autres gènes est associée à un risque accru de développer la maladie. Bien que les mutations pathogènes (celles qui causent la maladie) ne soient responsables que d’un faible pourcentage de tous les cas de maladie de Parkinson, elles donnent des indices pour nous aider à comprendre la maladie et constituent des cibles pour des traitements éventuels.

« Nous sommes près de trouver un traitement, et c’est la plus belle récompense que nous pouvions souhaiter », affirme Dr Matt Farrer, titulaire de la chaire d’excellence en recherche du Canada en neurogénétique et en neurosciences translationnelles à l’Université de la Colombie-Britannique.

Par exemple, la mutation la plus courante met en cause une protéine appelée LRRK2 qui peut devenir hyperactive. Certains chercheurs croient qu’en bloquant la fonction de la protéine ils pourront protéger les personnes atteintes contre la neurodégénération associée à la maladie de Parkinson.

Détermination des personnes à risque

Ce qui est également devenu clair au cours des dernières années, c’est que la maladie de Parkinson n’est pas liée uniquement à un problème de dopamine. Bien que les symptômes débilitants (comme les tremblements et la rigidité) semblent être causés par la mort de cellules dopaminergiques dans une région précise du cerveau, les scientifiques croient aujourd’hui que des changements se produisent dans d’autres régions du cerveau longtemps avant l’apparition de ces symptômes.

Les études d’imageries du cerveau de personnes à risque élevé de développer la maladie de Parkinson à cause de leurs antécédents familiaux ou de leur ascendance semblent soutenir cette théorie. Mais mis à part les examens habituels de scintigraphies cérébrales de routine, comment les médecins peuvent-ils repérer les personnes atteintes de la maladie de Parkinson lorsqu’elles ne présentent encore aucun symptôme?

Il semblerait que de nombreuses personnes atteintes ont des antécédents de perte de l’odorat, de sommeil paradoxal anormal, d’hypersomnie, et de constipation chronique.

« Un grand nombre de ces manifestations non motrices de la maladie se produisent des années ou des décennies plus tôt; elles peuvent donc constituer un moyen de reconnaître les personnes avant qu’il soit trop tard », précise Dr Fon.

Au Centre universitaire de santé McGill, à Montréal, Dr Ron Postuma étudie ces connexions grâce à un financement de la Société Parkinson Canada. À ce jour, l’une des pistes les plus prometteuses semble être le trouble de comportement en sommeil paradoxal (TCSP). Environ le tiers des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ont des antécédents de TCSP. Les études montrent qu’après 10 ans, de 20 à 35 pour cent des personnes qui présentent des TCSP développent la maladie de Parkinson.

« Les connaissances sur la maladie de Parkinson se sont multipliées au cours des dix dernières années. Les chercheurs canadiens ont beaucoup contribué à faire progresser notre connaissance de cette maladie que nous savons maintenant être très complexe. Nous savons qu’il n’y a pas seulement une cause, mais de nombreux responsables possibles. » – Joyce Gordon, présidente et chef de la direction, Société Parkinson Canada

Même si toutes les personnes souffrant de TCSP ne développeront pas la maladie de Parkinson, la forte association entre les deux suggère que les personnes souffrant de TCSP devraient régulièrement subir un examen pour détecter la maladie de Parkinson. En outre, ces personnes constituent un groupe idéal pour étudier ce qui peut survenir dans les stades présymptomatiques de la maladie.

« Notre but est de mettre au point des dépistages économiques pour reconnaître les personnes atteintes et stopper la progression de la maladie avant que les symptômes se manifestent », explique Dr Postuma.

La maladie de Parkinson se propage-t-elle comme une infection?

Une autre idée relativement nouvelle sur la maladie de Parkinson concerne la façon dont elle se propage dans le cerveau. L’une des théories de plus en plus populaires suggère qu’il pourrait s’agir d’un trouble semblable aux maladies à prion, à la maladie de la vache folle.

Traditionnellement, les chercheurs croyaient que les neurones des personnes atteintes de la maladie de Parkinson mouraient parce que les mécanismes responsables de la mort naturelle des cellules connaissaient des problèmes. Tout à l’opposé, les maladies à prions sont considérées comme étant infectieuses : des protéines anormales se propagent de cellule en cellule, finissant par détruire leurs cellules hôtes.

Des travaux récents donnent à penser que ce pourrait être la raison pour laquelle une forme anormale d’une protéine appelée alpha-synucléine s’accumule dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Les dommages cellulaires dus à cette accumulation constituent « peut-être l’un des principaux mécanismes de l’apparition de la maladie de Parkinson », avance Dr Fon.

Si cette hypothèse s’avère, il serait possible de mettre au point des médicaments capables de stopper ou de ralentir la propagation de cette protéine anormale. « S’il est possible de stopper cette propagation, il sera possible de ralentir la progressions de la maladie considérablement », affirme Dr Fon. Encore une fois, une intervention rapide – avant l’apparition de symptômes – pourrait s’avérer d’une importance capitale.

« Il s’agit d’un moment excitant pour étudier la maladie de Parkinson, indique Dr Fon. Je crois que nous avons une occasion réelle de tirer profit de certaines de ces pistes. Avec un peu de chance, des médicaments vont commencer à s’attaquer à certains des mécanismes sous-jacents. »

« Des chercheurs de nombreux laboratoires au Canada et ailleurs dans le monde tentent de comprendre en quoi les anomalies de ces gènes et les voies qui y sont associées pourraient être responsables de la maladie de Parkinson. » – Dr Edward Fon

Cet article doit paraître dans le numéro de juin de Dimensions,le magazine en ligne du Conseil national de recherches du Canada.