La maladie de Parkinson est en général associée à des troubles du mouvement et se caractérise par des tremblements, de la rigidité musculaire, le ralentissement des mouvements ou des problèmes d’équilibre. Néanmoins, lorsqu’ils se remémorent les débuts de la maladie, bon nombre de personnes atteintes de la maladie de Parkinson peuvent indiquer des signes précurseurs sans rapport avec le mouvement, notamment la perte de l’odorat, le manque de motivation, la fatigue, et une capacité ralentie de répondre aux questions. Un visiteur du site de la Société Parkinson Canada, www.parkinson.ca, qui avait éprouvé ces symptômes et ces changements avant d’obtenir un diagnostic nous a récemment posé la question suivante : « Pourquoi ne trouve-t-on pas davantage de renseignements destinés aux médecins et au grand public sur ces signes plus subtils qui annoncent la maladie de Parkinson, de façon à pouvoir les déceler et parvenir plus tôt à un diagnostic? »
e-L’ActualitéParkinson a soulevé la question des symptômes non moteurs au cours d’un entretien avec le Dr Mandar Jog, directeur de la Clinique des troubles du mouvement au Centre des sciences de la santé de London et le Dr Ranjit Ranawaya, directeur des services cliniques à la Clinique des troubles du mouvement de l’Université de Calgary. Voici un compte rendu de leurs propos.
Le diagnostic clinique de la maladie de Parkinson se fonde sur des symptômes moteurs
Dr Jog : « Pour établir un diagnostic, il faut confirmer la présence de deux des trois principaux symptômes en plus d’obtenir une réaction à la lévodopa. Ce sont les critères d’évaluation clinique. Vous ne pouvez pas garantir qu’une personne souffre de la maladie de Parkinson parce qu’elle est constipée, déprimée, qu’elle a perdu l’odorat ou qu’elle souffre du symptôme des jambes sans repos. Si par contre vous avez reçu un diagnostic de la maladie de Parkinson, et que vous éprouvez certains de ces problèmes, il faut conclure qu’il s’agit de symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson. »
Il n’y a pour le moment aucun moyen de désigner, parmi les personnes éprouvant des symptômes non moteurs, celles qui sont susceptibles de développer la maladie de Parkinson.
Dr Jog : « Si vous souffrez de constipation, de perte de l’odorat, si vous avez des antécédents familiaux de la maladie ou encore si vous avez utilisé de l’eau de puits, si les planètes sont alignées en ce sens, il se peut que, pour vous, les risques soient plus élevés de développer la maladie de Parkinson mais, à l’heure actuelle, nous ne tentons pas d’établir de sélection à partir de ces éléments. »
Dr Ranawaya : « Le problème c’est que, si je vois un patient souffrant d’anxiété ou de dépression, comment puis-je deviner que cette personne va peut-être développer la maladie de Parkinson? En ce moment, nous ne disposons pas d’un médicament qui pourrait ralentir la progression de la maladie, y mettre fin subitement ou empêcher que quelqu’un en soit atteint. Toutefois, si nous pouvions mettre au point un médicament qui ralentit ou qui interrompt la progression de la maladie de Parkinson, nous voudrions alors pouvoir distinguer les individus à risques, peut-être en faisant des tests d’odorat; mais, pour l’instant, supposons que je fais passer un test d’odorat à quelqu’un et que je réalise que cette personne risque peut-être de développer la maladie de Parkinson, je ne peux pas y faire grand-chose. Il faut vraiment qu’il y ait des preuves suffisantes pour que je m’assure que si je commence à donner un médicament à quelqu’un, cela produira de bons résultats à long terme. »
Bon nombre de personnes éprouvent des problèmes non moteurs après avoir obtenu un diagnostic de Parkinson.
Dr Jog : « Éprouver d’autres symptômes physiques associés à la maladie n’est pas un phénomène lié exclusivement à la maladie de Parkinson. »
Dr Ranawaya : « En ce qui concerne les symptômes non moteurs, ils se produisent la plupart du temps après que le diagnostic a été établi, à l’exception de certains patients qui souffrent de mouvements oculaires rapides liés aux troubles du sommeil et d’un certain pourcentage de personnes qui éprouvent de l’anxiété ou qui souffrent de dépression. Les symptômes non moteurs apparaissent chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, à mesure que la maladie progresse. »
Les chercheurs ont découvert que les le trouble du comportement du sommeil paradoxal, la dépression, l’anxiété ainsi que les modifications de l’odorat sont les problèmes non moteurs qui sont parmi les premiers à faire leur apparition avant les symptômes moteurs chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
Dr Ranawaya : « Les études du neuropathologiste Heiko Braak montrent que les corps de Lewy, un signe de dérèglement pathologique indiquant la présence de la maladie de Parkinson, n’apparaissent pas tout d’abord dans la substance noire (substantia nigra) où est produite la dopamine, mais, plus bas dans le tronc cérébral, probablement dans la zone autonome et le bulbe olfactif qui est le siège de l’odorat. » (Le système nerveux autonome contrôle les mouvements involontaires du corps.) « Ils remontent ensuite et affectent le tronc cérébral où est régi le cycle de veille et de sommeil. Un grand nombre de patients sont touchés par le trouble du comportement du sommeil paradoxal quand ils se mettent à vivre leurs rêves. Ils sont alors atteints de la maladie de Parkinson; ils commencent à éprouver des symptômes moteurs. Lorsque les corps de Lewy montent plus haut dans la structure du cerveau, ils commencent à nuire au système mésolimbique et au fonctionnement du cortex. Si une personne commence donc à montrer des signes de la maladie de Parkinson, elle en souffre probablement déjà depuis longtemps. Au sein de la profession médicale, c’est seulement depuis peu qu’on reconnaît qu’il n’y a pas seulement la dopamine, mais qu’il y a également d’autres neurotransmetteurs qui sont affectés. »
Dr Jog : « Plusieurs personnes, et j’en fais partie, ont l’impression que certains des symptômes non moteurs sont, en réalité, de véritables symptômes de la maladie de Parkinson. D’autres parties du système ont tout simplement été touchées en premier lieu, ce qui fait qu’on peut dire que la maladie de Parkinson n’attaque pas uniquement la substance noire et la production de dopamine, mais qu’il s’agit d’une maladie qui s’en prend à plusieurs parties du système nerveux et que plusieurs zones de l’organisme sont physiologiquement affectées. »
Plusieurs cliniciens, désormais en possession de ces nouvelles connaissances, se montrent plus attentifs aux symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson et ils cherchent de nouveaux moyens de venir en aide aux patients dans le cadre de la prise en charge de leur traitement.
Dr Jog : « Ces derniers temps, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait traiter les patients en adoptant un point de vue plus holistique et que les symptômes comme les problèmes de déglutition, la constipation, les déficiences cognitives légères, et même la dépression, l’apathie ou l’anxiété sont des facteurs tout aussi importants et qu’ils ont certainement un effet sur le bien-être des patients. »
Dr Ranawaya : « Des études effectuées auprès des patients nous ont démontré qu’ils étaient davantage handicapés par les symptômes non moteurs que par les symptômes moteurs proprement dits et que ces phénomènes avaient une plus grande influence sur leur qualité de vie et qu’ils avaient donc plus d’importance à leurs yeux. Nous ne disposons malheureusement pas de remèdes pour soigner la plupart des symptômes non moteurs. Il s’agit donc d’une situation assez épineuse. »
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Practice Parameter: Treatment of nonmotor symptoms of Parkinson disease: Report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology
Neurology 2010;74:924-31.
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La Société Parkinson Canada dispose d’une liste de vérification dans le but de vous aider à suivre de près les modifications de vos symptômes de la maladie de Parkinson. Servez-vous de cette liste afin de discuter des changements qui se produisent avec le professionnel de la santé que vous consultez.