Questions d’éthique concernant la participation à des essais cliniques

Ann Heesters
Directrice de l’éthique et du soutien spirituel
Institut de réadaptation de Toronto

Marleen Van Laethem
Éthicienne de la recherche
Institut de réadaptation de Toronto

Quelle est l’une des principales incompréhensions à l’égard des essais cliniques?

Un essai clinique est une étude qui teste un nouveau traitement. « Méprise thérapeutique » est le nom donné par les éthiciens à l’idée fausse que se font les gens à l’effet que le traitement offert est toujours thérapeutique (ou pour leur bien). Par exemple, dans le cas d’une personne qui apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Parkinson et à qui le fournisseur de soins dit : « Voici les traitements disponibles. Ils peuvent tous provoquer certains problèmes ou effets secondaires. Cependant, une nouvelle étude est en cours ». Le patient peut penser qu’il aura nécessairement accès à une thérapie à l’étude, mais s’il regarde de plus près, il s’apercevra peut-être que l’étude vise à comparer un nouveau médicament à un placébo, qui est essentiellement composé de substances inertes. Il est important de lire les détails des essais cliniques très attentivement.

En quelles circonstances y a-t-il conflit d’intérêts?

L’une des formes du conflit d’intérêts est connue sous le nom de « tension des obligations ». Un médecin-chercheur porte deux chapeaux : à titre de médecin, sa première obligation consiste à recommander le meilleur traitement pour son patient mais à titre de chercheur, sa première obligation va à l’intégrité de son étude, ce qui signifie que la moitié de ses patients recevra un placébo et que l’autre moitié recevra la nouvelle substance active. Les patients qui ont reçu le placébo pourraient ensuite se demander pourquoi leur médecin les a placés dans ce groupe. Cependant, les chercheurs n’ont généralement pas de contrôle à cet effet. Les participants sont assignés à un groupe de façon aléatoire afin d’éliminer les risques de partialité.

Les conflits d’intérêts peuvent également être liés à un stimulant financier. Un chercheur peut posséder un brevet d’invention sur une nouvelle molécule ou un nouveau dispositif à l’étude. Il peut accepter des honoraires de conférencier ou agir à titre de conseiller pour l’entreprise qui commandite la recherche. Dans de tels cas, les intérêts financiers peuvent influencer le jugement. Un intérêt pour des raisons financières ne devrait pas avoir la priorité sur les sains principes de recherche ou sur l’obligation de prendre soin des patients. La plupart du temps, les conflits seront évités grâce à une divulgation de l’information appropriée. Cependant, les intérêts financiers devraient être décrits dans le formulaire de consentement éclairé, car ils peuvent influencer la décision d’un participant à prendre part à un essai clinique.

Quel est le but du consentement éclairé?

Le « consentement éclairé » signifie que les personnes détiennent tous les renseignements dont ils ont besoin pour prendre une décision éclairée concernant leur participation à une étude. De nombreux éthiciens parlent de « choix éclairé ». Le consentement doit être volontaire. Une personne fait un choix en se fondant sur tous les renseignements qui sont pertinents pour elle. Les renseignements devraient comprendre les procédures qu’une personne doit subir, le temps à investir, les effets secondaires connus et tout autre préjudice possible. Il peut s’agir de préjudices physiques, psychologiques ou informationnels. Par exemple, si la participation à une étude génétique peut avoir des répercussions sur les assurances ou l’emploi, ce risque devrait être mentionné en langage clair dans le formulaire de consentement afin que les participants sachent que le respect de leur vie privée est menacé.

Le formulaire de consentement éclairé est-il un contrat?

Non. Les contrats ont une force exécutoire. Ils imposent des obligations. Les formulaires de consentement éclairé ne sont contraignants à aucun stade. Les participants doivent pouvoir se retirer d’une étude sans nuire à leur relation avec l’équipe de soins cliniques et sans offenser les chercheurs ou contrarier l’hôpital ou l’organisme qui commandite la recherche.

Un participant à un essai peut-il se retirer en tout temps?

En principe, un participant peut se retirer d’une étude en tout temps. Cependant, si l’étude comprend une procédure chirurgicale et que cette chirurgie a déjà eu lieu, il est impossible de l’annuler. Une personne peut demander de se retirer d’une étude. Elle peut demander qu’on ne recueille plus de données à son sujet et qu’on n’utilise pas les données recueillies sur elle dans l’analyse de la recherche.

L’utilisation du placébo est-elle éthique?

De nombreuses personnes croient qu’il est contraire à l’éthique de faire prendre des placébos à des participants lorsqu’il existe une thérapie efficace établie pour une affection. D’un point de vue éthique, il est plus facile de défendre la comparaison d’un médicament expérimental à une thérapie efficace. Si les chercheurs croient essentiel de comparer le médicament expérimental à un placébo, ils doivent respecter des conditions strictes. (Par exemple, on pourrait faire valoir que le traitement actuel n’est pas toléré par un sous-ensemble de patients ou qu’il s’avère inefficace pour eux, ou encore qu’aucun autre moyen ne permet d’isoler les effets du nouveau médicament.)

Il serait aussi possible d’avoir recours aux placébos en les ajoutant au traitement existant. S’il existe une thérapie efficace établie, on procède à un essai en formant deux groupes : les patients du groupe A reçoivent la thérapie efficace établie et un placébo alors que les patients du groupe B reçoivent la thérapie efficace établie et le médicament expérimental. Avec cette option, les participants qui prennent le placébo ne sont pas désavantagés.

Qu’arrive-t-il si l’essai révèle de nouveaux effets secondaires?

Les responsables ont l’obligation de communiquer les nouveaux renseignements concernant les effets secondaires pouvant influencer le désir d’un participant de poursuivre sa participation.

Les participants devraient-ils avoir accès à un traitement préférentiel une fois l’essai terminé?

Les gens s’engagent souvent dans des essais en espérant obtenir un accès rapide à des traitements expérimentaux. Les traitements peuvent coûter cher, mais ils sont habituellement gratuits dans le cadre des essais cliniques. Si un participant à une recherche découvre qu’un traitement expérimental est bon pour lui, il voudra peut-être le poursuivre jusqu’à ce qu’il soit approuvé par Santé Canada et qu’il soit disponible sur le marché. Certains diront même que l’accès au traitement leur est dû parce qu’ils se sont mis dans une position de risque en participant à l’essai. Le formulaire de consentement éclairé devrait au moins indiquer si le participant aura droit ou non au traitement une fois l’essai terminé. Les chercheurs ne veulent pas faire de promesses qu’ils ne peuvent pas tenir. En outre, rien ne garantit l’efficacité du traitement à l’étude.

Un participant à un essai a-t-il des recours juridiques?

Si les chercheurs ont été négligents dans la conduite de l’essai ou si les membres du comité d’éthique de la recherche ont été négligents lors de leur examen de l’essai proposé, les participants peuvent alors se prévaloir de leurs droits prévus par la loi. Les participants ne renoncent pas à leurs droits légaux en acceptant de participer à un essai clinique.

Ressources

Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains

Déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale
(Principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains)

Ann Heesters
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Marleen Van Laethem
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