Vivre avec la maladie de Parkinson : la famille Oulton

Au cours des dix années après que Douglas Oulton eut appris qu’il était atteint de la maladie de Parkinson, s’il est une chose que sa famille a apprise, c’est que cette maladie est familiale. Elle a pour ainsi dire affecté la vie de tous les membres de la famille dans tous ses aspects.

La famille Oulton (de gauche à droite) : Christian, Rebecca, Douglas, Pam, Sarah et Nathan.
La famille Oulton (de gauche à droite) : Christian, Rebecca, Douglas, Pam, Sarah et Nathan.

Lorsque Douglas a appris qu’il avait la maladie de Parkinson en 2000, le jour de Saint-Valentin, il avait 44 ans. Il élevait quatre adolescents avec sa femme Pam. Il était vice-président des services financiers d’une société manufacturière. La vie était belle. Puis, la maladie de Parkinson a conduit la famille dans un sentier auquel elle n’avait jamais pensé.

Avant que Douglas et Pam puissent annoncer la nouvelle à leurs enfants, Douglas dit qu’il leur a fallu la digérer d’abord, et savoir de quoi il s’agissait. Quelques jours plus tard, ils ont fait part du diagnostic à leurs deux filles et leurs deux garçons, précisant que rien ne pouvait arrêter la maladie de Parkinson, malgré les signes d’amélioration susceptibles de se manifester pendant un certain temps. Pam dit qu’ils ont toujours été une famille ouverte, alors les enfants ont été les premiers à qui ils en ont parlé. Nous n’en avons parlé à personne, si ce n’est à notre famille immédiate.

Au travail toutefois, c’était différent. Douglas ne voulait pas que les gens pensent qu’il ne pouvait pas continuer à faire son travail, alors il n’a rien dit. Cependant, les longues heures de travail qu’il accomplissait tout en gérant ses symptômes l’épuisaient à un point tel qu’il dit qu’en arrivant à la maison, il se précipitait dans son lit, dormait beaucoup et retournait au travail le lendemain. Je n’avais plus de vie à la maison et cela m’empêchait de faire toutes ces choses que j’avais aimé faire autour de la maison. Pam avait de la difficulté à accepter ce manque d’interaction à la maison. « Cela me choquait », dit-elle.

Gérer les symptômes

Les médicaments ont également une source de conflit. Certains médicaments permettant à Douglas de travailler du matin jusqu’à tard en soirée avaient comme effet secondaire d’accroître son niveau d’anxiété, ce qui le rendait paranoïaque à un point tel que Pam n’en pouvait plus. Elle finit par demander au neurologiste de Douglas de lui retirer certains médicaments qui ont d’ailleurs été retirés du marché depuis. La gestion des effets secondaires des médicaments, la dyskinésie plus particulièrement (mouvements involontaires), est une préoccupation constante. Douglas a subi la chirurgie de la stimulation cérébrale profonde, ce qui l’a aidé à retrouver une certaine habileté à rire et à sourire.

Changer la relation

Lorsque nous avons demandé à Pam si la maladie de Parkinson avait changé leur relation, elle a dit qu’ils avaient toujours eu une solide relation, mais que la maladie avait de toute évidence rendu les choses plus difficiles.

Notre communication a changé. Il faut plus de temps à Douglas pour participer à la conversation, répondre aux questions ou exprimer ce qu’il veut dire. Il est également plus sensible aux commentaires. Pam fait remarquer qu’elle ne peut plus tenir de propos désinvoltes. « Je dois être précise et faire attention à la manière dont je dis les choses, car j’ai l’impression que Douglas est plus émotif qu’avant », dit-elle.

Pam a également remarqué qu’il est plus vulnérable. « Parfois, lorsque je sors avec des amis, Douglas me demande si je vais revenir. Je pense qu’il craint parfois que je ne le laisse à cause des difficultés que nous traversons. C’est difficile de composer avec cela. »

Douglas, en revanche, dit que Pam le traite trop aux petits soins. « Elle devrait me dire ce qu’elle ressent, mais elle garde cela en elle. Elle ne veut pas me blesser parce qu’elle pense que je ne peux pas surmonter cela et lui venir en aide. »

Changer les rôles

Douglas considère que les changements dans leur relation sont liés aux changements dans les rôles. Il a dû quitter son emploi cinq ans après avoir reçu son diagnostic. Pam continue de travailler afin de bénéficier des avantages sociaux qui l’aident à payer le coût des médicaments et afin d’avoir un fonds de retraite. « Les rôles sont renversés maintenant » dit Douglas. « Lorsque Pam revient du travail, elle essaie de lâcher prise, et ma journée n’a rien à voir avec la sienne. J’étais capable de sarcler les fleurs du jardin pendant les premières années de la maladie, mais maintenant je ne peux plus. »

Pour ce qui est des interactions sociales, Douglas dit qu’il trouve difficile de recevoir de l’aide plus souvent qu’il n’en apporte. « Les gens sont souvent très serviables, mais je préférerais être la personne qui aide l’autre. Je me sens plus à l’aise dans ce rôle-là », dit Douglas.

Prendre des décisions

Le solide soutien de la collectivité influence l’une des décisions du couple : où demeurer. Devraient-ils demeurer à Sackville, au Nouveau-Brunswick, où Douglas est membre de comités, va à l’église, pratique le chant choral, joue au basketball deux fois par semaine, se fait aider pour transporter l’épicerie à la maison et reçoit des appels téléphoniques lorsqu’il oublie son portefeuille au magasin? Ou devraient-ils déménager à Halifax, en Nouvelle-Écosse, où vivent trois de leurs enfants, où se trouve l’équipe médicale de Douglas et où Pam aimerait travailler? « C’est un véritable dilemme », dit Pam. « Devrions-nous déménager là où je sais que j’aurai plus de soutien ou devrions-nous rester ici et avoir tout le soutien dont Douglas a besoin? » La décision est d’autant plus difficile à prendre que la maladie de Parkinson est imprévisible. Comme dit Pam, « Nous ne savons pas ce qui nous attend. Personne ne peut dire comment la maladie progressera en trois ans. »

Demeurer fort

Comment gèrent-ils tout cela? Douglas dit que ce qu’il faut, c’est de « l’entêtement », et des liens avec la communauté et, bien sûr, il a sa femme et ses enfants. « La maladie de Parkinson peut renforcer une relation. Si jamais je me décourage, Pam est toujours là pour me ramasser. Elle est le roc qui me ramène sur terre », dit-il.

Pam ajoute : « Le pire, c’est lorsque nous sommes déprimés les deux en même temps, mais cela n’arrive pas souvent. Généralement, l’un de nous peut dire à l’autre qu’il y a quelqu’un quelque part dont le sort est pire que le nôtre. Il ne faut pas se laisser aller. C’est ce à quoi nous sommes confrontés. »

Grandir avec un parent qui a la maladie de Parkinson

Pour les enfants qui sont maintenant des adultes, le fait d’avoir un parent atteint de la maladie de Parkinson a été une source de leçons de vie enrichissantes. Rebbecca, leur fille, dit qu’au tout début, ils ne voyaient pas beaucoup de symptômes et ils ne savaient quel allait être l’impact de la maladie de Parkinson. Ses parents l’ont encouragée, elle et ses frères et sœur, à aller à l’université, même si pour cela ils devaient quitter le Nouveau-Brunswick. Ils nous ont dit : « Vivez votre vie non pas en fonction de ce qui pourrait arriver, mais en fonction de ce que nous savons maintenant ».

Après avoir obtenu son diplôme et travaillé en Alberta, Rebecca est revenue dans les Maritimes en partie pour être plus près de la maison et lancer sa propre entreprise de services financiers. À propos de l’argent, elle donne le conseil suivant à ses enfants : « Vous devez vous assurer que s’il vous arrive quelque chose en cours de route, votre famille pourra continuer à fonctionner. »

Elle croit que la maladie de Parkinson l’a rapprochée de la famille et lui a donné son courage et sa lucidité par rapport à ce qui importe dans la vie. Elle dit un peu à la blague qu’à cause de ses parents, elle a mis la barre un peu haute dans ses relations. « Mon père et ma mère n’ont pas lâché, alors que tant de familles éclatent. Ce fut difficile pour moi de rencontrer une personne ayant cette même éthique qui consiste à composer avec toute situation, qu’elle soit bonne ou mauvaise. »

Nathan, le plus jeune, vit à la maison tout en achevant ses études universitaires en biologie et en physique. Pendant ses études sur les maladies, il a pu mettre un visage sur des choses pour lesquelles ses compagnons d’études n’avaient qu’une connaissance livresque. Parmi les enfants, il est celui qui a vu la progression de la maladie de son père de plus près : les problèmes d’équilibre et de mémoire à court terme, les changements dans les mimiques et l’expression verbale. « Le plus difficile pour moi, c’est l’imprévisibilité. Papa peut vivre l’une de ses meilleures journées et celle-ci peut se transformer en l’une des pires qu’il n’a jamais vécue. Nous devons plonger tête première et vivre au jour le jour.

Tandis qu’il s’apprête à trouver sa voie dans le monde, Nathan exprime avec philosophie ce que cela signifie pour lui d’avoir un parent atteint de la maladie de Parkinson : « J’ai appris qu’il faut apprécier les bonnes choses de la vie aussi longtemps que possible, parce qu’elle devient forcément plus difficile au fil du temps, mais si vous avez la capacité d’en parler et que vous avez le sens de l’humour, cela aide. Nous n’y pouvons rien, alors il faut l’envisager avec optimisme? Ce qui doit arriver arrive un jour, alors il faut apprécier ce que l’on a au jour le jour. »