Dans les prochaines éditions de L’Actualité Parkinson nous présenterons une entrevue avec chacun des ambassadeurs canadiens du Congrès mondial sur la maladie de Parkinson (WPC) 2013. Le rôle de l’ambassadeur est de susciter l’enthousiasme autour du WPC 2013 au Canada à l’étranger.
Le premier est Bob Kuhn, avocat, auteur et conférencier de Vancouver, qui a appris qu’il était atteint de la maladie de Parkinson en 2006, à l’âge de 53 ans. Bob a récemment effectué un voyage autour du monde en 80 jours, 79 plus précisément.
Pourquoi avez-vous répondu à l’invitation de devenir ambassadeur du WPC 2013?
Le WPC de Glasgow, en 2010, m’a touché. Les liens que j’y ai tissés ont été particulièrement enrichissants. Ils ont donné un vrai sens à ma vie et une meilleure idée du milieu composé de chercheurs, de cliniciens, de thérapeutes et de toutes sortes de personnes résolues à aider les personnes atteintes. J’avais présenté un bon nombre de conférences sur la maladie de Parkinson, mais jamais à l’échelle internationale.
Est-ce vous qui avez eu l’idée de voyager autour du monde?
Je prévoyais faire un voyage autour du monde depuis un certain temps, mais je ne suis pas un touriste; le but ou thème m’a donc aidé à définir le voyage. Je voulais rencontrer des personnes touchées par la maladie de Parkinson ailleurs dans le monde, particulièrement dans certains pays en voie de développement qui n’offrent pas le genre de services auxquels nous avons accès. Je voulais avoir une idée de ce que vivent les personnes atteintes dans ces pays. Savoir quelles sont les différences et les similarités, connaître leurs histoires. Parallèlement, il était normal pour moi de faire la promotion du WPC 2013 à Montréal. Ça s’est fait très naturellement.
Le voyage avait pour titre Shake up My World (Remuer mon monde), ce qui avait plus d’une signification. Dans son acception plus sérieuse, il soulignait mon souhait de découvrir des aspects de la maladie de Parkinson que je n’avais pas connus dans les contextes nord-américain, européen ou occidental.
Je crois que l’adjectif « mondial » dans le nom du congrès est, en un certain sens, justifié. Cependant, de grands pans de la population mondiale n’y sont pas représentés, principalement pour des raisons économiques, mais également par manque de sensibilisation. Je voulais voir ce qu’il était possible de faire pour nouer des relations, inviter et inclure des personnes qui, autrement, risquent de ne pas se déplacer à Montréal.
Où êtes-vous allé?
Dans quinze pays : le Pérou, le Chili, l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Kenya, l’Éthiopie, le Koweït, l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la République des Fidji. Je n’avais jamais visité ces pays auparavant. J’ai rencontré des personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans tous ces pays à l’exception du Pérou et de la Malaisie.
Quelles rencontres vous ont particulièrement marqué?
Je vais vous parler de deux d’entre elles.
La première a eu lieu au Rwanda, où je me suis rendu sans avoir établi de contact. Les mois précédents mon départ, j’avais tenté d’obtenir les coordonnées d’au moins une personne atteinte de la maladie de Parkinson, mais personne n’avait réussi à m’aider. Une fois sur place, j’ai été invité à parler de mon voyage dans une église, un dimanche. J’ai expliqué que j’étais à la recherche de personnes atteintes. Après le service, une jeune femme s’est approchée de moi et m’a confié que son père était atteint de la maladie de Parkinson et qu’elle voulait me le présenter. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. J’ai répondu : « Bien sûr, pourvu qu’il soit d’accord. »
L’homme, un médecin, était âgé de 67 ans. Il avait appris qu’il était atteint de la maladie deux ans auparavant et avait cessé de pratiquer depuis. Il avait mis fin à ses activités sociales, ne voyait plus ses amis et s’était replié dans sa maison pour boire. Il m’a confié tout ça. Il était très dépressif et ne prenait aucun plaisir à vivre.
Nous avons longuement discuté de la maladie. Il n’avait parlé à personne de ce qu’il vivait depuis son diagnostic. Il était heureux de pouvoir parler à quelqu’un qui l’écoutait, qui comprenait ce qu’il vivait et qui comprenait à quel point il avait été dévasté par cette maladie qui lui avait fait perdre sa fierté, son statut professionnel et le sentiment d’être utile.
Cela m’a permis de me rendre compte que les personnes atteintes se sentent très seules, une constatation que j’ai pu faire à de nombreuses reprises. J’ai pris conscience que pour faire face à la maladie de Parkinson il est essentiel de nouer des liens avec d’autres personnes touchées, de recevoir des encouragements et de ne pas se sentir seul.
J’ai mis le médecin au défi de créer au Rwanda une organisation visant à atténuer les problèmes auxquels il avait fait face, ce qui lui donnerait un but et lui permettrait d’aider d’autres personnes. Il était médecin, mais ne connaissait personne qui était atteint de la maladie. Quelle ironie!
L’autre rencontre est assez différente tout en présentant certaines similarités.
À Mumbai, en Inde, j’ai rencontré une psychologue, Dre Maria Barretto (coordonnatrice, Parkinson Disease and Movement Disorder Society). Elle agit comme catalyseur dans un pays de 1,2 milliard d’habitants. Elle a contribué à augmenter les services offerts aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson à Mumbai en créant des groupes de personnes qui se réunissent pour profiter de thérapies de toutes sortes. Elle a mis sur pied une équipe qui se donne corps et âme aux personnes atteintes de la maladie, qui les fait sortir de chez elles et les invite à participer à des groupes où elles peuvent s’appuyer mutuellement.
Elle m’a fait voir de l’intérieur ce que vivent les personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans un pays en voie de développement où les médicaments sont difficiles d’accès et très chers, où le soutien neurologique se fait rare et où la culture ne favorise pas l’existence de groupes de soutien. Les gens s’isolent à cause de la nature même de la maladie, mais également à cause d’une culture où c’est à la famille de s’occuper du malade. Il n’existe pas d’autres systèmes de soutien. Les personnes atteintes ont tendance à demeurer à la maison. Elles sont absentes de la société. La population est donc peu sensibilisée à la maladie de Parkinson.
Le public est peu sensibilisé à la maladie dans la majorité des pays en voie de développement que j’ai visités. J’ai demandé à des dizaines de personnes : « Connaissez-vous quelqu’un qui est atteint de la maladie de Parkinson? », et elles me répondaient par la négative. En discutant avec des personnes atteintes, je me suis rendu compte que c’est parce qu’elles ne sont pas visibles. Aucune personnalité ne joue le rôle de porte-parole pour mieux faire connaître la maladie.
Ces rencontres m’ont fait comprendre que les relations constituent un élément-clé de la solution. Le WPC sert à nouer des relations. C’est un lieu d’information et d’encouragement du point de vue médical et scientifique, mais également un lieu de rencontres. Il permet au milieu de chercher des façons d’améliorer la condition de vie des personnes atteintes.
Parmi les personnes que vous avez rencontrées, y en a-t-il qui participeront au WPC 2013?
Pratiquement toutes celles que j’ai rencontrées veulent y participer. J’ai senti qu’elles veulent faire partie de la communauté mondiale, internationale, mais la réalité économique le permet rarement. C’est l’obstacle le plus important. Un aller-retour entre l’Inde et Montréal coûte cher, et c’est sans compter l’hébergement et les autres dépenses. C’est prohibitif pour un grand nombre d’entre elles. Une grande partie des personnes rencontrées n’avaient jamais entendu parler du Congrès mondial sur la maladie de Parkinson, mais celles qui le connaissaient disaient que c’était trop loin et trop cher pour elles.
J’ai tenté de les encourager en leur disant qu’il était possible de trouver des moyens d’aider les personnes de pays en voie de développement à y participer si elles le désiraient. Je crois qu’elles peuvent contribuer de façon importante aux discussions. Elles peuvent soulever des réalités que les pays développés ont largement ignorées lorsqu’il est question de la maladie de Parkinson. Nous discutons de la maladie dans un contexte complètement différent du leur.
En quoi le voyage vous a-t-il changé?
Il a remué mon monde à maints égards. Il m’a fait mieux comprendre que les relations constituent un élément essentiel de la sensibilisation mondiale à la maladie de Parkinson. Il est impossible d’influencer une société ou même une plus petite collectivité avec des campagnes publicitaires. Il faut toucher une personne à la fois. Le seul fait de voyager pour rencontrer les gens là où ils vivent, de s’intéresser à eux et de vouloir savoir ce qu’ils vivent m’a rendu crédible à leurs yeux. J’ai noué des amitiés en très peu de temps et je compte les entretenir.
Le voyage a également changé mon point de vue sur la possibilité d’aider les personnes des pays en voie de développement en s’en approchant, en les écoutant, en cherchant à savoir quels sont leurs besoins et en y répondant. Si nous nous préoccupons d’elles, nous devons les écouter davantage.
En outre, je crois que nous avons besoin de héros de tous les jours partout dans le monde, de personnes qui peuvent servir de modèles parce qu’elles s’adaptent bien, se prennent en charge et s’épanouissent malgré cette maladie dont nous sommes atteints.
Quelles sont les prochaines étapes?
Je suis revenu avec une multitude de souvenirs, d’idées et de relations. J’ai besoin de plus de temps que prévu pour tirer des conclusions même provisoires. Je crois que le monde occidental doit réfléchir aux diverses actions à prendre pour que le milieu des personnes touchées par la maladie de Parkinson soit plus inclusif et réellement international. C’est ce que je veux : un congrès réellement mondial sur la maladie de Parkinson qui réunit des représentants de partout dans le monde résolus à travailler ensemble.
Que souhaiteriez-vous que les gens tirent de votre expérience?
J’en reviens à l’idée des héros de tous les jours. Les gens craignent cette étiquette, mais c’est une façon d’être un ambassadeur. Nous tous qui sommes atteints de la maladie de Parkinson sommes observés pour voir comment nous faisons face à la maladie. En réalité, nous sommes des mentors silencieux malgré nous. Nous devons en être conscients et faire ce qui est en notre pouvoir pour inciter les autres personnes atteintes à avoir une belle qualité de vie. C’est le thème de mon blogue, Positively Parkinson’s (www.positivelyparkinsons.com). Comment nous encourager les uns les autres? Comment nous représenter les uns les autres d’une façon positive et qui donne de l’espoir, un but et une raison d’être à une vie qui a été gravement touchée par une maladie débilitante, dégénérative et incurable?