Les biomarqueurs pourraient être la prochaine percée importante en matière de diagnostic et de suivi de l’évolution : le point de vue d’une défenseure des personnes atteintes de la maladie de Parkinson

Photo de la Dre Soania Mathur assise à l'extérieur sur un gros rocher
La Dre Soania Mathur, défenseuse de la maladie de Parkinson et l’une des principaux défenseuses des patients au Canada, a co-écrit un article sur les biomarqueurs numériques.

Le processus diagnostique de la Dre Soania Mathur s’est révélé aisé comparativement à celui de certaines autres histoires que vous avez lues ce mois-ci. Elle a reçu un aiguillage assez rapidement vers un spécialiste et 15 minutes après le début de l’évaluation clinique, elle a eu la confirmation qu’elle était atteinte de la maladie de Parkinson.

Comme pour tout le monde, cette nouvelle a été difficile à apprendre. Le diagnostic est tombé il y a 22 ans, alors que Soania avait 28 ans, qu’elle était enceinte de son premier enfant et qu’elle terminait sa résidence en médecine familiale. À titre de médecin, elle comprenait ce qu’était la maladie de Parkinson, mais ça ne faisait pas partie de ses plans.

L’acceptation de son diagnostic a pris un certain temps. Elle a rapidement amorcé son traitement, mais reconnaît qu’il a fallu 12 ans (alors qu’elle exerçait la médecine familiale) pour réaliser qu’elle ne pouvait plus se cacher.

Elle est aujourd’hui l’une des principales défenseures des droits des patients au Canada et participe à un certain nombre d’initiatives nationales et mondiales importantes. Elle continue de faire bon usage de son expertise médicale dans son blogue Unshakeable MD et comme membre active des communautés de défense des droits et de recherche sur la maladie de Parkinson. Dernièrement, elle a corédigé un article mettant l’accent sur une grande priorité du diagnostic : les biomarqueurs numériques.

Aujourd’hui, nous vous partageons une entrevue avec la Dre Mathur sur cet article et le rôle des biomarqueurs dans le diagnostic et le traitement.

Photo de la Dre Soania Mathur

Parkinson Canada: Vous avez récemment publié un article sur les biomarqueurs numériques de la progression. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer pourquoi il s’agit d’un important champ de recherche?

Soania: Le plus gros enjeu dans la maladie de Parkinson, c’est l’absence de critère d’évaluation universel pour la détecter ou suivre sa progression.

Les gens connaissent mieux les répercussions d’un diagnostic clinique que l’observation clinique de la progression, mais les deux comportent les mêmes limites. À l’heure actuelle, il est difficile de véritablement évaluer à long terme la progression de la maladie de Parkinson ou l’incidence d’un traitement.

Un biomarqueur numérique offrirait un critère objectif de l’évolution de la maladie chez une personne. Par exemple, si un dispositif intelligent portable suit la fréquence des tremblements d’une personne, au fil du temps, vous pourriez même faire le suivi des plus petites différences la concernant pour observer comment les choses changent.

Ainsi, si une personne voit son neurologue 12 mois après son premier rendez-vous, ses symptômes pourraient ne pas avoir beaucoup progressé de façon perceptible. Même s’il y avait eu un changement, le mesurer objectivement demeure ardu. Vous ne pouvez pas simplement regarder quelqu’un ou l’écouter signaler ses symptômes et dire que la maladie est 10 % plus grave qu’il y a un an. Le fait que la personne est seulement observée sur le moment représente un autre défi. La façon dont vous vous présentez à votre rendez-vous pourrait être assez différente de la façon dont vous vous sentez habituellement, puisqu’il ne s’agit que d’un moment précis et que la clinique est un milieu artificiel.

Si nous parvenons à trouver un critère objectif du changement dans la maladie de Parkinson au fil du temps, les gens atteints de cette maladie et leurs spécialistes pourront prendre de meilleures décisions éclairées en matière de prise en charge. C’est particulièrement vrai lorsqu’on fait le lien avec le suivi des symptômes et les journaux.

Il y a aussi des répercussions sur les traitements. Combien de traitements éventuels avons-nous abandonnés parce qu’ils n’avaient pas obtenu les résultats de l’étude en fonction de piètres critères? Si une personne prend un médicament donné ou participe à un essai, un marqueur numérique pourrait assurer un meilleur suivi des changements dans la réponse au traitement et possiblement révéler qu’un médicament a un effet supérieur à ce que nous avions observé.

Parkinson Canada: Quels sont vos idées ou espoirs concernant les biomarqueurs en général?

Soania: Je crois que les biomarqueurs pourraient changer le visage du traitement et de la recherche.

Ça va de pair avec ce que j’ai mentionné plus tôt, mais le champ est plus vaste que les marqueurs numériques seuls. Trouver un biomarqueur fiable pour la maladie de Parkinson permettra non seulement de repérer la maladie, mais aussi de suivre les traitements dans les essais avec beaucoup plus de précision.

C’est une chance d’avoir de meilleurs diagnostics. Actuellement, 80 % des cellules qui sécrètent la dopamine sont mortes avant l’apparition des symptômes moteurs. Un biomarqueur pourrait nous permettre de diagnostiquer la maladie au stade prémoteur, ce qui signifie que nous pourrions mettre en place un traitement et des thérapies à l’essai dans le but de diminuer ou de retarder les symptômes moteurs.

En plus, ça règle la question de l’attente. Les récits de la présente édition comportent un lourd fardeau émotionnel lié à l’inconnu. Physiquement et émotionnellement, plus nous pouvons recevoir un diagnostic définitif tôt et amorcer le traitement, mieux c’est.

Photo de la Dre Soania Mathur

Parkinson Canada: Parlez-nous des enjeux qui entourent le diagnostic de façon générale. Je sais que nous avons discuté des effets physiques et émotionnels découlant de l’attente pour l’obtenir. Qu’observez-vous ou qu’entendez-vous des autres personnes au sujet de ces effets?

Soania: Dans mon cas, j’ai été chanceuse. J’ai reçu un diagnostic de maladie de Parkinson à début précoce dans les 15 premières minutes de mon premier rendez-vous, mais je sais que c’est inhabituel.

La détresse émotionnelle liée à l’attente du diagnostic peut être très dommageable, surtout chez les femmes. Les personnes qui attendent un diagnostic peuvent avoir l’impression de ne pas appartenir à une communauté ou à un groupe médical.

En plus, il y a le côté physique. Dès que vous recevez un diagnostic, vous avez des options pour amorcer un traitement et vous pouvez aussi faire des choses comme commencer à faire de l’exercice, gérer votre stress et participer proactivement par la défense des droits, l’inscription à un groupe de soutien ou d’autres actions semblables.

Parkinson Canada: Quel message désirez-vous partager aux autres personnes atteintes de la maladie de Parkinson quant à leur rôle dans la recherche?

Soania: Lorsque je donnais des conférences, les gens me demandaient « allons-nous bientôt avoir un remède? » et je répondais « ils y travaillent ». C’est toujours le cas, mais la réalité est que les véritables progrès sont impossibles sans notre participation. Quatre-vingt-cinq pour cent des essais sont retardés en raison des objectifs de recrutement et trente pour cent n’arrivent même pas à démarrer. C’est du temps que nous ne pouvons nous permettre de perdre.

J’invite tout le monde à mettre la main à la pâte de la façon qui a du sens pour chacun : s’inscrire à titre de participant, partager l’information sur les essais ou faire une collecte de fonds pour soutenir la recherche. Notre participation est cruciale.

Je crois qu’il est important que les gens comprennent comment ils peuvent participer. En entendant l’expression « essai clinique », la plupart des gens s’imaginent de grandes études sur des médicaments comportant de grands risques. Bien qu’elles existent, certaines ne sont que des examens d’imagerie, d’autres ne demandent que votre temps, puis certaines comportent de faibles obstacles comme une analyse sanguine. Elles comptent toutes.

Ce que j’aimerais vraiment dire, c’est que nous avons besoin de « prendre notre place » dans l’horizon temporel de la recherche à titre de Canadiens atteints de la maladie de Parkinson.


Note de l’éditeur :

Pour mieux comprendre la vision de la Dre Mathur concernant le diagnostic et les effets précis de la maladie de Parkinson sur les femmes, écoutez le dernier épisode du balado When Life Gives you Parkinson’s. Restez à l’affût! L’édition de mai accordera un accent particulier à cette question en l’honneur de la fête des Mères.

Si vous voulez participer à la recherche dès maintenant, le Réseau Parkinson canadien ouvert recrute activement des participants afin de partager des données démographiques, épidémiologiques et biologiques à titre de partenaires avec les chercheurs sur la voie vers de meilleurs traitements et un remède. Apprenez-en plus sur la façon dont vous pouvez participer au RPCO sur le site Web du Réseau.


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